Responsabilité d'une commune exploitant une vidéo reproduisant sans autorisation des enregistrements (CA Paris (5-1), 5 juin 2024, n°22/07530)

L'entité qui communique au public un enregistrement exploité sans autorisation au sein d'une vidéo est responsable à l'égard des ayants droit quand bien même la vidéo en cause aurait été réalisée par un tiers.


1. Les faits

Une commune exploitait sans autorisation, au sein d'une vidéo de présentation de son budget qui avait été réalisée par un prestataire tiers, des extraits de trois enregistrements d'oeuvres musicales.

L'association productrice phonographique de ces enregistrements mit alors en demeure la municipalité de cesser ces exploitations non autorisées et de l'indemniser.

Après des négociations n'ayant pas abouti, l'association a assigné la commune afin d'obtenir réparation pour ces exploitations non autorisées.

Par jugement du 7 décembre 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné la commune à verser au producteur phonographique une somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice du fait de l'exploitation non autorisée.

La commune a interjeté appel de cette décision en affirmant qu'elle n'avait commis aucune faute dans la mesure où la vidéo au sein de laquelle les enregistrements étaient synchronisés avait été réalisée par un prestataire tiers auquel elle l'avait commandée.

2. Problématique juridique

Le commanditaire d'une vidéo réalisée par un prestataire au sein de laquelle sont exploités sans autorisation des enregistrements est-il personnellement responsable de l'exploitation contrefaisante desdits enregistrements ?

3. Réponse de la Cour d'appel

Sans surprise, la Cour d'appel rejette l'argumentation de la commune et retient que "la circonstance que la vidéo litigieuse a été réalisée, sur commande de la commune, par un tiers (...) [auquel] toute latitude aurait été laissée, notamment quant au choix de la musique, et qui a indiqué sur ses devis « Musiques libres de droits » (...) ne peut suffire à exonérer la commune de sa responsabilité à l’égard (...) [du producteur phonographique] pour avoir communiqué au public des phonogrammes" sans son autorisation.

La Cour d'appel fait ici une application classique de l'article L. 213-1 du CPI. C'est bien l'entité qui a communiqué au publc l'enregistrement, en l'espèce la commune, qui est responsable à l'égard des ayants droit dans le cas où l'exploitation desdits enregistrements a été faite sans autorisation.

Il revenait à la commune de se retourner contre le prestataire auquel elle avait commandé la vidéo litigieuse, ce que la Cour rappelle d'ailleurs en précisant qu'elle "avait la faculté d’appeler (...) [ce prestataire] en intervention forcée dans la présente procédure afin de rechercher sa garantie, ce qu’elle n’a pas fait".

La Cour d'appel confirme le jugement de première instance ayant condamné la commune à verser au producteur phonographique une somme de 1.500 euros.