Les droits patrimoniaux constituent un des deux aspects du droit d'auteur, au côté du droit moral.
A la différence du droit moral, l'auteur peut céder l'exploitation de ces droits patrimoniaux à un tiers, ils ne sont pas nécessairement attachés à sa personne.
Les droits patrimoniaux font l'objet des articles L. 122-1 et suivants du CPI.
On considère classiquement qu'ils comprennent d'une part le droit de reproduction, et d'autre part le droit de représentation.
1. Le droit de reproduction
L'article L. 122-3 du CPI définit le droit de reproduction :
"La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte.
Elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique."
Dans le domaine musical, le droit de reproduction intervient de différentes façons :
- la transcription de l'oeuvre sous forme d'une partition constitue une reproduction qualifiée de "graphique" de l'oeuvre ;
- l'enregistrement de l'oeuvre constitue une reproduction qualifiée de "mécanique" ; et
- l'exploitation de l'oeuvre, que ce soit sous la forme d'un support physique (vinyle, CD, cassette audio, etc.) ou d'un fichier numérique, constitue également une reproduction "mécanique".
Dans le cas d'un titre musical rendu disponible sur une plateforme de streaming, le droit de reproduction (mécanique) intervient donc notamment à l'occasion de la copie du fichier numérique contenant l'oeuvre sur le site de streaming[1].
2. Le droit de représentation
L'article L. 122-2 du CPI donne une définition du droit de représentation, à laquelle il ajoute quelques illustrations :
"La représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :
1° Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l'oeuvre télédiffusée ;
2° Par télédiffusion".
Il y a représentation d'une oeuvre musicale par exemple à l'occasion d'un concert, mais également lors d'une diffusion de l'oeuvre dans une discothèque ou une gallerie commerciale, ou encore dans une émission de télévision, etc.
Pour reprendre l'exemple du streaming, le fait pour une plateforme de mettre à disposition de ses utilisateurs les titres musicaux constitue un acte de représentation.
La notion de "public" visée par l'article L. 122-2 du CPI est généralement entendue de façon large par la jurisprudence, ce qui donne au droit de représentation une portée importante.
3. Les exceptions au droit de reproduction et de représentation
Les droits patrimoniaux de l'auteur, dont il résulte en principe la nécessité pour les tiers d'obtenir une autorisation préalable de l'auteur afin de reproduire ou de représenter l'oeuvre, connaissent un certain nombre d'exceptions.
Ces exceptions sont listées à l'article L. 122-5 du CPI.
Sans les mentionner dans leur ensemble (certaines ne concernent pas le domaine musical) on peut citer les exceptions suivantes :
- La représentation de l'oeuvre dans le cercle familial (art. L. 122-5 1° du CPI). Cette exception permet ainsi de diffuser une oeuvre musicale dans le cadre de son cercle familial sans qu'il soit nécessaire pour cela d'obtenir une autorisation du titulaire du droit de représentation.
- La copie privée de l'oeuvre (art. L. 122-5 2° du CPI). Cette exception permet à une personne de réaliser une copie de l'oeuvre musicale (à partir d'une source licite) pour son usage personnel. Cette exception donne tout de même lieu à une rémununération pour le titulaire du droit de reproduction qui est payée par les fournisseurs de moyens de copie.
- La représentation ou la reproduction d'extraits à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche (art. L. 122-5 3°e). Les partitions musicales sont toutefois exclues du champ de cette exception.
- La parodie (art. L. 122-5 4° du CPI).
4. La durée des droits patrimoniaux de l'auteur
A la différence du droit moral qui est perpétuel, la loi limite la durée des droits patrimoniaux de l'auteur.
L'article L. 123-1 du CPI précise ainsi que "au décès de l'auteur, ce droit [le droit d'exploiter l'oeuvre] persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent".
Ainsi, au décès de l'auteur les droit patromiaux se transmettent à ses ayants droit pour une durée de 70 ans courant à partir de l'année suivant l'année du décès.
En cas de coauteurs d'une oeuvre, cette durée de 70 ans court à compter du décès du dernier co-auteur vivant (art. L. 123-2 du CPI).
Le CPI attribue au conjoint survivant l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé, étant précisé que ce droit s'éteint dans le cas où le conjoint survivant contracte un nouveau mariage (art. L. 123-6 du CPI).
P.M. Bouvery, Les contrats de la musique, IRMA, 2020, n°5. ↩︎