Le droit moral de l'auteur

Le droit moral constitue, au côté des droits patrimoniaux, une composante du droit d'auteur. Il s'agit d'un droit dont bénéficie l'auteur d'une oeuvre, et notamment d'une oeuvre musicale.

1. Définition et caractères du droit moral

Le droit moral de l'auteur fait l'objet des articles L. 121-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle (CPI). L'article L. 121-1 du CPI précise :

"L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur.
L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires".

Les caractéristiques du droit moral le distinguent nettement des droits patrimoniaux attachés au droit d'auteur.

Ainsi, le droit moral est perpétuel et n'est donc pas limité à la durée des droits patrimoniaux. Il en découle que le droit moral survit à l'auteur et se transmet à ses héritiers qui pourront en exercer les prérogatives.

Le droit moral est également inaliénable et ne peut donc être cédé à un tiers par l'auteur. Il est enfin imprescriptible et ne s'éteint donc pas par l'effet du temps, même en cas de non-usage.

2. Les attributs du droit moral

Le droit moral se subdivise en quatre droits appartenant à l'auteur. Celui-ci dispose d'un droit de divulgation de son oeuvre, d'un droit de paternité, d'un droit de retrait et de repentir, et enfin du droit au respect de son oeuvre.

  • Le droit de divulgation de l'oeuvre

Ce droit ressort de l'article L. 121-2 du CPI selon lequel "L'auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l'article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci".

L'auteur dispose ainsi seul du pouvoir de décider s'il divulgue ou non son oeuvre. Un tiers ne peut donc pas forcer un auteur à une telle divulgation.

Même dans le cas d'une oeuvre de commande (une oeuvre commandée à un artiste par un tiers), l'auteur peut décider de ne pas divulguer son oeuvre, c'est à dire de ne pas la remettre au commanditaire ayant passé commande. Ce dernier ne pourra forcer l'auteur à divulguer son oeuvre. Bien entendu, dans une telle situation l'auteur risque toutefois d'engager sa responsabilité envers le commanditaire et d'être contraint de lui verser des dommages et intérêts.

En revanche, le droit de divulgation de l'auteur est épuisé à l'occasion de la première divulgation de l'oeuvre, c'est à dire qu'une fois l'oeuvre divulguée, l'auteur ne peut plus se rétracter et revenir sur sa décision.

  • Le droit de paternité de l'auteur

Il s'agit du droit pour l'auteur d'exiger que sa qualité de créateur soit associée à l'oeuvre.

Par exemple, le compositeur d'une oeuvre musicale a le droit d'être mentionné en tant que tel dans les crédits.

  • Le droit de retrait et de repentir

Cette prérogative de l'auteur, symbolique du droit moral et parfois confondue avec lui, est expressément prévue par le CPI dont l'article L. 121-4 dispose que "nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire".

Le droit de retrait est donc un moyen pour l'auteur de mettre un terme au contrat d'exploitation de son oeuvre sans besoin d'invoquer une quelconque faute de son cocontractant ou une autre justification que l'exercice de ce droit.

Le libre exercice de ce doit est cependant conditionné par l'article L. 121-4 qui précise que l'auteur "ne peut toutefois exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer".

Afin notamment d'éviter un exercice purement opportuniste de son droit de retrait par l'auteur qui aurait trouvé un moyen de céder l'exploitation de son oeuvre à de meilleurs conditions, il est également prévu que "lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son oeuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées".

En revanche, à l'inverse des autres attributs du droit moral, le droit de retrait ne peut en principe plus être exercé postérieurement au décès de l'auteur.

  • Le droit au respect de l'oeuvre

Ce dernier aspect du droit moral a pour objet d'assurer qu'il ne soit pas porté atteinte à l'intégrité de l'oeuvre de l'auteur.

Ce droit au respect de l'oeuvre interdit à un tiers ne disposant pas du consentement de l'auteur de porter atteinte à l'oeuvre, de l'utiliser en en modifiant le sens, de la dénaturer, de la morceler, etc.

Dans le domaine muscial, au titre du droit moral, il sera par exemple nécessaire de demander à un auteur son accord préalable pour l'utilisation d'un extrait d'une de ses oeuvres dans un medley, qui constitue l'utilisation d'un fragment de l'oeuvre.[1]


  1. P.M. Bouvery, Les contrats de la musique, IRMA, 2020, n°150. ↩︎